Le panneau de
Philippe Pot de Notre-Dame de Dijon
Chapelle de Notre-Dame-de-Bon-Espoir
· Vaivre Jean-Bernard de. Un
primitif tiré de l'oubli : le panneau de Philippe Pot de Notre-Dame de Dijon
(note d'information). In: Comptes rendus des séances de l'Académie des
Inscriptions et Belles-Lettres, 149ᵉ année,
N. 2, 2005. pp. 811-858
https://www.persee.fr/doc/crai_0065-0536_2005_num_149_2_22898
· Châtelet Albert. Un
ex-voto inédit de Philippe Pot. In: Bulletin Monumental, tome 165, n°2, année
2007. p. 220;
doi : https://doi.org/10.3406/bulmo.2007.1459
https://www.persee.fr/doc/bulmo_0007-473x_2007_num_165_2_1459
En avril
2004, fut mis sur le marché de l'art, en vente publique (1), un tableau [panneau
de chêne, constitué de deux planches non parquetées mesurant 60 sur 42 cm]
peint du XVième siècle qui a réalisé l'une des plus fortes
enchères de ces dernières années. Il s'agit d'un panneau de bois représentant
une Vierge à l'Enfant dans un intérieur où est figuré un personnage, identifié
tant par le texte d'un très important phylactère que par les armoiries ornant
le prie-Dieu sur lequel il est agenouillé. Ce tableau est d'une qualité
picturale exceptionnelle et d'une importance historique et documentaire tout
aussi grandes.
L'apparition
d'un tableau inconnu du XVe siècle est toujours un événement marquant. Il l'est
encore plus quand il comporte le portrait d'un personnage aussi connu que
Philippe Pot, ne serait-ce que par son admirable tombeau, aujourd'hui au
Louvre, et qu'au surplus son histoire peut être suivie depuis son origine grâce
à l'érudition et à la perspicacité de Jean-Bernard de Vaivre.
Passé en vente à Vannes le 24 avril 2004, le panneau [panneau de chêne,
constitué de deux planches non parquetées mesurant 60 sur 42 cm] est
aujourd'hui dans une collection particulière. Son commanditaire [Philippe Pot] est agenouillé sur un prie-Dieu
marqué de ses armoiries, devant la Vierge à l'Enfant en trône, assistée d'un
ange. Le texte de sa prière s'étale de façon peu courante sur une manière de
très large phylactère : il comporte un appel très personnel du dévot demandant
d'«être sauvé de la prison tant rigoureuse». Un cartel en bas de la composition
constitue un remerciement pour l'exaucement de ce vœu :
Tant l vaut et a valu
A cely qui a recouru
A celle
pour qui dist ce mot
Le
suppliant philipe pot
Que de
tout mal Va secouru
Tant l vaut.
Tant l vaut est effectivement la devise de Philippe Pot
Jean-Bernard de Vaivre montre qu'il s'agit d'une allusion aux événements
survenus en 1477, à la suite de la mort de Charles le Téméraire ; Philippe
Pot, alors gouverneur de Lille, apparu suspect pour ses liens supposés avec le
roi de France, fut déchargé de cette fonction, emprisonné quelques mois, puis
contraint de se réfugier à Tournai. Peu après, Louis XI le faisait chercher
pour l'attacher à son service, en faire le grand sénéchal de Bourgogne et lui
attribuer le collier de l'ordre de saint Michel qu'il porte sur le tableau.
Il s'agit donc
d'un ex-voto dont la présence dans l'église Notre-Dame de Dijon est signalée en
1733, quelques années après qu'il ait été emporté par une parente éloignée,
Christine Charlotte Pot de Rochechouart, dame de Sandaucourt,
dont les descendants devaient le conserver jusqu'en 2004. La publication
comporte de nombreux documents concernant le sénéchal, notamment la longue
lettre qu'il adressa à Maximilien, en tant que chef de l'Ordre de la Toison
d'Or, après qu'il ait été avisé de son exclusion, pour justifier ses actes en
1477. Le tableau, qui situe la scène dans un intérieur, sans doute une chapelle
de demeure nobiliaire, est directement inspiré par l'exemple de la Vierge du
chancelier Rolin de Jan van Eyck. Il n'est pas
cependant l'œuvre d'un des grands maîtres de la peinture dite flamande, mais
celle d'un artiste bourguignon proche, sinon identique, de l'enlumineur qui a
notamment décoré les Heures Berbisey, récemment
acquise par la Bibliothèque municipale de Dijon.
(1) Journal Le
Télégramme du 25/04/2004
700.000 €... Record absolu pour un tableau adjugé
en Bretagne. « Philippe Pot priant la Vierge et l'Enfant » d'une Ecole
Bourguignonne vers 1480 a dépassé toutes les estimations, hier, à Vannes.
La toute nouvelle
salle des ventes retient son souffle. 200 personnes ont pris place pour ce qui
promet d'être le grand moment artistique breton de l'année. Ambiance feutrée,
chuchotements puis soudain un grand silence. Me Ruellan
vient d'annoncer le n°14 du catalogue. Les experts, les employés de l'étude,
tous s'affairent téléphones en main. Discret, posé là au pied de l'estrade, ce chef-d’œuvre
jamais exposé, jamais publié ni répertorié, merveilleusement préservé au sein
d'une seule et même famille depuis au moins 1650, se retrouve soudainement sous
les feux des projecteurs attendant un mystérieux acheteur. Qui va miser
suffisamment haut pour s'attribuer cette œuvre exceptionnelle ?
Mis à prix 150.000 €. Rapidement de 50.000 en 50.000 €, les enchères s'envolent
pour atteindre le chiffre magique de 700.000 €. Le marteau tombe. La bataille
est finie. Un collectionneur parisien vient d'emporter le précieux trésor.
Ravi, le commissaire-priseur ne réalise pas immédiatement qu'il vient de battre
un record absolu en Bretagne. Soulagé, il sait aussi que le travail effectué
depuis six mois a porté ses fruits car le magnifique tableau classé Trésor
national avec interdiction de sortie du territoire, risquait fort d'être
pénalisé financièrement. Le marché étranger étant exclu d'emblée de la vente.
«Il y a fort à parier que le tableau soit très bientôt exposé au musée de
Dijon», confie en aparté le commissaire-priseur à la conservatrice des Musées
nationaux présente dans la salle. La nouvelle loi de 2000 sur le mécénat
permet, en effet, une réduction fiscale de 90 %. Une aubaine pour ce superbe
tableau, pour les vendeurs et pour l'acheteur qui pourra ainsi bénéficier d'une
belle notoriété en faisant don de la peinture au musée bourguignon.